Le corps en mouvement : nos pieds clairvoyants
Une pratique corporelle pour explorer la présence à soi
Et s’il n’y avait rien à corriger ? Le quotidien peut être dense. On enchaîne, on s’adapte, on s’oublie un peu, on revient à soi, puis on repart. Ce va-et-vient, cette impermanence, cette oscillation entre ce qui nous tire dehors et ce qui appelle à l’intérieur, c’est peut-être simplement une donnée d’entrée. Et si, sans rien transformer, sans rien révolutionner, on venait faire quelques expériences? Faire un peu de place pour des interstices de lenteur et de curiosité ?
Dans cette rubrique « Le corps en mouvement » de notre blog, nous vous proposons aujourd’hui, de poser le pied autrement dans la terre. Cet article est une de ces petites invitations : explorer le corps pour (re)découvrir des sensations ?

Le corps, un compagnon discret
Notre corps, souvent, nous précède ou nous suit. Il s’ajuste, il répond à nos intentions, il encadre nos mouvements. Au premier plan de nos actions, pourtant il se fait discret à la conscience pour “fonctionner”. Et puis parfois, il se rappelle à nous. Il se fait tendu, douloureux, parfois pesant à certains moments. Souvent il “s’exprime” d’une manière que l’esprit n’a pas toujours la capacité de comprendre. Alors comment faire la traduction; le trait d’union ? Nous proposons d’explorer la présence corporelle, à travers l’exercice de la marche lente. Non pas comme un objectif à atteindre, mais comme un terrain d’écoute.
Et dans cette écoute, rien n’est à juger. Il n’y a pas de bonne posture, pas de bonne énergie, pas de “bon moment”. Il y a juste… ce qui se présente.
La marche lente : un sport extrême… de patience !
Il n’y a besoin de rien, si ce n’est d’un peu d’espace et d’un peu d’attention. Ce que nous vous proposons ici, c’est d’explorer la marche lente.
Matériel :
- Un petit espace (quelques mètres suffisent)
- Des vêtements confortables
- Et l’envie (même petite) d’ouvrir un temps pour soi
La pratique :
- Debout. Prends un instant immobile. Sens ton poids dans les pieds. Pas besoin de modifier ta posture. Juste observer.
- Ferme les yeux si tu le souhaites. Laisse-toi respirer sans chercher à contrôler.
- Inspire. Lève doucement un pied.
- Expire. Dépose-le un peu plus loin.
Puis recommence, avec l’autre pied. - Marche. Lentement. Encore plus lentement.
Prends conscience du transfert de poids, des petits muscles stabilisateurs, du sol sous toi. - Observe ce que tu ressens. Pas ce que tu devrais ressentir. Ce que tu ressens, là.
Tu peux continuer ainsi quelques minutes, ou le temps qu’il te semble juste.
Tu peux marcher en cercle, ou d’un mur à l’autre. Le but n’est pas de faire “bien” : le but est d’être là.
Pourquoi cette marche ?
Ce n’est pas tant un “exercice” qu’un prétexte à se déposer. Dans la lenteur, quelque chose se redéploie. Un peu comme si le corps retrouvait sa place dans l’espace. Sa voix propre. Ce n’est pas spectaculaire, mais souvent, c’est apaisant. Et même si ce n’est pas le cas aujourd’hui, c’est très bien.
Des ressentis possibles (et tous sont valables)
- « Je m’ennuie. »
- « C’est trop lent, je n’y arrive pas. »
- « Je suis tendu·e. »
- « Tiens, j’ai envie de bâiller. »
- « Ca pique, c’est doux, c’est chaud, c’est froid, c’est rugueux », etc.
- « Mon pied fait un bruit étrange. »
Tout cela est juste. Tu n’as pas besoin d’analyser, de comprendre ou de changer quoi que ce soit. Juste noter. Juste accueillir. Parfois, c’est le simple fait de revenir au corps qui permet un relâchement. D’autres fois, non. Et c’est ok.
Quand le faire ?
Il n’y a pas de règle. Tu peux essayer cette marche :
- En te levant, pour te poser dans ta journée
- Avant un rendez-vous, pour clarifier ton énergie
- Après un appel chargé
- Le soir, pour redescendre dans ton corps
- Ou même entre deux tâches, sans rituel formel
Tu peux aussi ne pas le faire. Et y revenir un autre jour.
Ce que ça change
Parfois, pas grand-chose. Parfois, une toute petite chose — une sensation plus fine, un apaisement subtil, une impression de verticalité retrouvée. Et parfois, beaucoup : une idée qui émerge, un soupir profond, une envie de pleurer sans raison apparente, une détente dans les mâchoires, un sourire involontaire. Mais ici encore : aucune attente. Juste l’expérience du corps.
Pour aller plus loin si l’envie est là
Si tu sens que cette pratique t’inspire, voici quelques prolongements possibles :
- Changer de support : marcher sur de l’herbe, du carrelage, du bois…
- Changer de rythme : très lent, puis fluide, puis à nouveau lent
- Lier à une musique : une bande sonore douce peut soutenir l’attention
- Écrire après coup : une phrase, un mot, un dessin
Tu peux aussi en faire un rituel hebdomadaire. Ou pas. Tu peux le partager. Ou le garder pour toi.
En résumé
Explorer le mouvement comme une manière d’être.
Sans méthode à suivre, sans transformation à viser.
Juste une présence à soi, par le corps.
À La ReSourceRie, on aime croire que les gestes — même les plus simple — peuvent devenir un espace de soin. Non pas en fuyant la réalité, mais en la composant différemment. Ce que tu fais est déjà beaucoup. Ce que tu ressens est déjà précieux. Tu n’as rien à ajouter, juste, si tu en as envie… quelques pas plus conscients, pour habiter ce que tu es déjà.
Pour prolonger l’exploration
À voir
- Walk With Me (Frère Phap Luu, narration par Benedict Cumberbatch)
Un film-documentaire sur la pleine présence dans la tradition de Thich Nhat Hanh. Lent, contemplatif, incarné. - Pina (Wim Wenders)
Un hommage vibrant au corps dansant, libre et expressif. À voir avec les yeux… et avec le ventre. - The Minimalism: A Documentary About the Important Things
Une invitation à désencombrer, y compris intérieurement, et à redonner du sens à ses gestes quotidiens.
À lire
- Le Corps, cet étranger – David Le Breton
Une plongée philosophique dans notre rapport à notre propre corps, entre proximité, pudeur, oubli et puissance. - Marcher, une philosophie – Frédéric Gros
Un texte accessible et poétique sur la marche comme acte de pensée, d’émancipation et de liberté. - Habiter le corps – Myriam Revault d’Allonnes
Un court essai pour reconsidérer le corps non pas comme objet, mais comme lieu d’expérience.
À écouter
- Podcast « Les couilles sur la table » – Épisode : « Pourquoi on se coupe de son corps ? »
Une discussion éclairante sur les normes, les attentes, et le retour possible au ressenti. - Podcast « Métamorphose » – Épisode avec Anne Cazaubon : « Corps et émotions, un dialogue silencieux »
Un échange apaisant sur le lien entre mouvement, émotion et intelligence du corps. - Playlist « Corps & Présence »
Sons organiques, nappes douces, percussions lentes. À écouter en marchant, en dessinant ou juste en respirant.
À faire
- Marcher pieds nus quelques minutes, chez soi ou dans l’herbe.
Sentir les textures, les appuis, les micro-équilibres. Sans but. - Inventer un petit enchaînement corporel libre : lever les bras, tourner sur soi, se pencher, respirer.
Un “mouvement-souvenir” du corps qui danse sans spectateur. - Changer de rythme dans une tâche automatique : se brosser les dents, préparer le thé, s’habiller… en pleine conscience.
- S’allonger au sol quelques minutes et laisser son corps trouver sa propre posture de repos, sans chercher à le corriger.
À noter dans votre carnet
- « Quand ai-je ressenti mon corps aujourd’hui sans y penser ? »
- « Qu’est-ce que mon corps m’a soufflé aujourd’hui, même subtilement ? »
- « Et si j’ajoutais un geste gratuit, inutile, libre à ma journée… lequel serait-ce ? »
- « Est-ce que je peux me laisser guider par mon corps plutôt que par ma tête, ne serait-ce qu’un moment ? »
